RDC : Nomination et révocation du directeur général dans une société anonyme avec conseil d’administration en cas de cumul mandat social – contrat de travail (Grâce MUWAWA LUWUNGI, PhD.)

La fonction de directeur général d’une sociétéanonyme peut être assurée, soit par le président du conseil d’administration, il est alors appelé président – directeur général, soit par une autre personne physique qui prend alors le titre de directeur général. Le choix devra clairement s’exprimer dans les statuts sociaux, à la lumière des dispositions de l’Acte uniforme révisé du 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, ci-après l’AUSCGIE, et le cas échéant des lois particulières et complémentaires de droit interne.

1. La nomination du directeur général

Le directeur général est nommé par le conseil d’administration. Il faut une délibération conforme aux prescrits de l’AUSCGIE, des lois nationales particulières, pour les sociétés bénéficiant d’un statut particulier, et des statuts de la société. La décision de nommer le directeur général relève exclusivement de la compétence du conseil d’administration.

Les conditions de nomination sont de deux ordres : Le directeur général ne peut être qu’une personne physique. Contrairement au président-directeur général qui doit nécessairement être choisi parmi les administrateurs, le directeur général d’une société anonyme peut être tiré ou non parmi les membres qui composent le conseil d’administration. Aussi, le directeur général peut ne pas être actionnaire. Dans ce dernier cas, il s’agit juste d’une personne ayant bénéficié de la pleine confiance du conseil d’administration à assumer cette haute et prestigieusefonction administrative.

Pour être nommée en qualité de directeur général, cette personne ne doit cependant pas avoir été frappée par certaines incapacités. Sont visées notamment les condamnations pénales définitives et irrévocables, c’est-à-dire par des décisions judiciaires coulées à force de chose jugée. C’est le cas ensuite pour la faillite personnelle et les interdictions intervenues dans le cadre des dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.

2. Qu’en est-il du cumul ?

La question du cumul par une même personne des fonctions de directeur général avec d’autres fonctions est importante. Plusieurs situations de cumul peuvent se présenter, et doivent être distinguées. L’hypothèse est celle du directeur général qui conclut un contrat de travail, mais aussi celle du salarié qui est nommé directeur général.

Le directeur général est un mandataire social. Le cumul est en principe admis même s’il peut y avoir quelques embarras pour un directeur général à conserver par ailleurs une relation subordonnée dans le cadre d’un contrat de travail.

Dans ce cas, le cumul du mandat de directeur général et du contrat de travail est possible sans aucune condition de durée préalable ou postérieure, mais constitue toutefois une convention réglementée soumise à autorisation préalable du conseil d’administration, à vérification par le commissaire aux comptes et approbation de l’assemblée générale.

Pour être admis, le cumul n’en doit pas moins répondre à certaines exigences : Si la conclusion du contrat de travail peut intervenir postérieurement à une nomination en qualité de directeur général, dès lors que le directeur général n’est pas en même temps administrateur, cette qualité est au nombre de celles visées par les articles 438 et suivants : « le contrat de travail intervenant entre le directeur général et la société doit donc déjà être soumis à l’autorisation préalable du conseil d’administration ».

Le contrat de travail lui-même doit aussi remplir plusieurs conditions qui ont été posées par la jurisprudence :

a. Il doit d’abord être réel. L’emploi ne doit ainsi pas être fictif en n’ayant d’autre but que de prémunir le directeur général de la révocabilité plus facile qu’il encourt ;

b. Il doit ensuite être sérieux, c’est-à-dire correspondre à des fonctions techniques distinctes de la direction générale, ce qui ne peut se concevoir que dans une société d’une certaine importance ;

c. Il doit enfin être effectif : le travail qu’il suppose doit donc être effectivement accompli.

Si un cumul régulier au départ devenait sans objet par la suite, le conseil d’administration maintiendra le contrat de travail uniquement pour conserver à son titulaire certains avantages acquis, il devrait alors être considéré comme irrégulier.

Le cumul de fonctions découle en principe de la coexistence des deux actes juridiques que sont la désignation par le conseil d’administration et la conclusion du contrat de travail. Mais, dans l’hypothèse particulière où c’est le salarié qui est nommé directeur général, le cumul doit être expressément prévu. À défaut, le contrat de travail est suspendu. Il reprendra donc immédiatement son cours lorsque les fonctions de directeur général cesseront. Le contrat est également suspendu si le cumul n’a pas été invoqué par le salarié.

Lorsque le cumul est reconnu, chacune des fonctions suit son propre régime. Ainsi, l’augmentation de la rémunération relative au contrat de travail est soumise à la procédure des conventions réglementées, alors que l’augmentation de la rémunération relative au mandat social doit être déterminée par le conseil d’administration.

Le directeur général peut avoir la qualité d’administrateur, et celle de salarié. Il pourrait donc très bien, au moins en théorie, cumuler ces trois fonctions. Une telle possibilité a pu être condamnée. Mais en réalité, la question se ramène à celle du cumul, qui n’est pas sans limites, des fonctions d’administrateur avec un contrat de travail. Mais le cumul ne doit pas toujours être vu négativement.

Certains mandats ne sont cependant pas pris en compte. Ainsi en va-t-il des mandats d’administrateur. La question s’est posée de savoir comment décompter le mandat d’administrateur éventuellement exercé par le directeur général dans la même société. Comme on considère qu’il s’agit moins d’une situation de cumul que d’une adjonction de compétence, cette situation paraît ne devoir compter que pour un seul mandat.

Si le directeur général est dans une situation irrégulière de cumul, il doit se démettre de l’un de ses mandats ou du mandat en cause dans le délai de trois mois, à compter de sa nomination ou de l’événement ayant entraîné la disparition de l’une des conditions dérogatoires. Passé ce délai, il est réputé s’être démis de son nouveau mandat, ou du mandat ne répondant plus aux conditions fixées. Le directeur général peut quitter ses fonctions à l’occasion d’événements qui ne sont pas propres à celles-ci, suivant les causes d’extinction classiques.

Mais, en étant placée à la tête de la société, la direction générale est un poste particulièrement sensible. Cette situation implique qu’un certain nombre d’hypothèses originales puissent aussi mettre un terme à de telles fonctions.

3. Le directeur général est révocable à tout moment

Le directeur général est révocable ad nutum par le conseil d’administration, une révocation décidée

sans justes motifs peut dorénavant donner lieu à dommages-intérêts. La révocation ad nutum, qui était susceptible d’intervenir sans préavis, ni indemnité ni motivation, semble donc être remise en cause aujourd’hui par le législateur, au moins pour deux de ses termes. Des « justes motifs » supposent en effet que le conseil d’administration donne les raisons de sa décision, ce qui paraît aller à l’encontre du caractère discrétionnaire des révocations intervenues sous l’empire du droit antérieur.

La révocation du directeur général peut aussi être indemnisée dès lors qu’elle est injustifiée ce qui est encore une nouveauté. En réalité, il s’agit moins d’une révolution que d’une clarification, car la révocation ad nutum connaissait déjà le contrôle des tribunaux dans ses conditions de mise en œuvre et, le cas échéant, la limite de l’abus de droit. Les événements qui caractérisent une révocation abusive tiennent surtout aux circonstances qui l’accompagnent : brusquerie peu commune de la révocation, circonstances vexatoires et atteinte à la réputation ou à l’honneur du dirigeant révoqué ont ainsi été jugées abusives en droit français.

L’auteur de la révocation est toujours le conseil d’administration, mais il agit désormais de son propre chef puisqu’il n’intervient plus sur proposition du président du conseil d’administration.

4. Les fonctions de directeur général peuvent cesser à son initiative par la remise de sa démission.

Le directeur général dispose de cette faculté comme tout mandataire social, à une démission intempestive ou abusive. L’exercice de cette faculté ne devrait cependant pas aboutir.

Plusieurs événements sont de nature à mettre un terme aux fonctions du directeur général :

– L’expiration de la durée pour laquelle le mandataire a été nommé est une première hypothèse ;

– L’arrivée du terme obéit toutefois à un nouveau régime.

Les autres événements qui mettront automatiquement un terme à ses fonctions peuvent concerner le directeur général lui-même ou la société.

S’agissant du directeur général, ses fonctions prendront fin s’il fait l’objet d’une incapacité, d’une incompatibilité, d’une interdiction ou d’une déchéance, ou naturellement s’il décède.

S’agissant de la société, c’est sa transformation en une société d’une autre forme ou sa dissolution qui entraîneront cette fois la cessation de ses fonctions.

Grâce MUWAWA LUWUNGI

Docteur en Droit de l’Université de Kinshasa,

Titulaire de la Chaire « Droit des sociétés commerciales : règles spécifiques » aux Facultés de Droit de l’Université de Kikwit, Leadership Academia University et Université Nouveaux Horizons

Avocat au Barreau de Kinshasa/Matete

Associé Coordonnateur du Cabinet Intelligence Consulting SARL

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